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Qu’est-ce que l’étranger ?
Où est le chemin qui mène à quoi que ce soit ?
« Qui suis-je après la nuit de l’étrangère ? »
« Je sors de mon rêve, effrayé par l’incertitude du jour sur le marbre de la demeure, par la pénombre du soleil dans les roses… effrayé par la netteté du temps plein, et par un présent qui n’est plus présent… effrayé par mon passage dans un monde qui n’est plus le mien… Une grâce pour l’étranger, qui discerne l’invisible plus clairement qu’un réel qui n’est plus réalité… »
Mahmoud Darwich décrit l’exil, l’amour et le désir inaccessible d’une femme étrangère. Cela m’amène à réfléchir sur l’identité mystérieuse de ce qui est « l’étranger ».
L’étrangeté naît-elle de cette frayeur et de cette incertitude dont parle le poète après avoir rencontré l’étrangère ?
Prend-elle la forme de la sensation de perte, dans cette invisibilité visible qui mène vers un chemin d’existence sans essence ?
Serait-elle la marque laissée par l’éblouissement douloureux d’un reflet de marbre en plein soleil, ou par la fraîcheur envoûtante d’une pénombre languissante ?
Un reflet lumineux, une fraîcheur ensorcelante et mystérieuse qui n’appartiennent pas à l’exilé, et qui lui rappellent l’irréalité de son réel ?
Est-ce ainsi que se reflète cette image de « l’étrangeté » sur la peau de « l’étranger » ?
Est-ce ainsi que se grave au fer cette empreinte permanente de non-existence et d’invisibilité, qui trace l’identité de l’étranger ?
Quelle serait l’identité d’un étranger ?
Je nomme « l’étranger » non seulement la personne qui vient d’ailleurs, d’une autre nation ou d’une autre culture non seulement cet autre qui diffère d’un groupe ou d’une communauté, mais aussi toute personne qui ressent l’étrangeté comme un profond sens… ou comme un non-sens. Comme une voie vers l’invisibilité et l’inaccessibilité.
« L’étranger » me paraît davantage être une identité marquée par l’errance, par une fuite en avant qui mène nulle part. (Une représentation de soi née d’une tension constante entre ce qui appartient à la personne et ce qui lui vient d’ailleurs.)
L’identité de l’étranger se forme comme une ombre invisible, que l’on refuse parfois de contempler et de comprendre, avec la peur étrange de vivre le cauchemar au moment même où l’on croit vivre le rêve, de vivre la perte alors qu’on ose croire à l’amour.
Il me semble que l’étranger, porteur de cette identité, s’obstine à ne pas se croire beau, intelligent ou intéressant. Car s’il riait d’un bonheur sincère, il verrait ses lèvres s’étirer et se déchirer, et ses larmes scieraient ses paupières avec leurs lames effilées.
Il sait que ses propres espoirs le trahiront et que ses désirs de croire l’humilieront. Alors, il étouffe sa « beauté » et son « intelligence » sous le poids de la honte et du dégoût : honte, quand elles se révèlent aux regards alors qu’il est persuadé qu’elles ne méritent pas d’exister ; dégoût, quand il les contemple lui-même en se répétant qu’elles sont à lui, qu’elles sont ce qu’elles sont, et qu’elles font de lui ce qu’il est. Elles l’identifient !
Une « beauté » et une « intelligence », entre de gros guillemets, qu’il ne peut ni sentir ni toucher, des fantômes aériens qui rôdent toujours à ses côtés, qui parfois le traversent, inodores, jamais sentis, jamais vus, jamais compris…



