La toile d’araignée

Parce que l’étranger est en quête permanente de tendresse et de douceur, il peut se livrer facilement aux dominants, sans limites ni conditions. Il devient sensible, parfois hypersensible, à la moindre marque d’attention, capable de réveiller en lui la « beauté » et l’« intelligence » tant espérées.

Sa beauté ne peut exister qu’à travers le miroir du regard de l’autre.

Ainsi, l’étranger embrassera les mains qui se tendent vers lui, même si elles le griffent parfois, même si elles le giflent souvent. Il plongera amoureusement dans des regards languissants, même s’ils le dénigrent parfois, même s’ils l’humilient souvent. Il absorbera tous les mots, tous les silences — y compris ceux qui le blessent et le déchirent.
Il se dissoudra entièrement dans cette « beauté » reconnue et valorisée, offerte par la seule voix capable de l’entendre, de le sentir et de le voir. Cette voix qui, paradoxalement, éteint et renforce à la fois les murmures intérieurs qui répètent sans fin, criant dans le silence :
« Je ne vaux rien ! »
« Je mérite les coups et l’oubli ! »
L’étranger se retrouve alors piégé, comme une proie engluée dans une toile d’araignée, une carcasse figée, hypnotisée par la terreur du vide et par la peur de perdre l’amour et la beauté. Sa colère, jamais résonnante, demeure étouffée : un cri ou un sanglot qui n’explosent qu’en silence, en un écho intérieur amer et douloureux.